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Au fond, c'est quoi l'université ?

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Au fond, c'est quoi l'université ?

Vous commencez à me connaître un peu ; vous savez que j'enseigne à l'université et que j'adore ça. Pour faire simple, tout mon monde tourne autour de deux points : l'enseignement d'une part, la recherche de l'autre.

Souvent, j'explique que je dois ce que je suis à deux choses : l'université et ma femme. Je ne vois pas trop l'intérêt de créer un topic sur ma femme ; par contre, je me dis de plus en plus que je pourrais le faire pour parler un peu de l'université. Pourquoi faire ça ? Je pense qu'aujourd'hui cette institution n'est pas toujours bien comprise ni vraiment appréciée à sa juste valeur. C'est en traînant sur internet que m'est venue cette idée.

Ce que je vous propose, c'est d'humaniser un peu tout ça ! Le but n'est pas d'expliquer en termes techniques ce que c'est – quoique – mais de partager des expériences, des souvenirs, des impressions quelles soient bonnes ou mauvaises. L'université, c'est vaste. Tout le monde n'a donc pas la même expérience. Celle-ci peut changer en fonction de la faculté dans laquelle on a étudié, la formation qu'on a reçue, le degré de diplôme, l'université choisie ou encore le pays dans lequel on a poursuivi sa formation.

Enfin, même si j'aime par dessus tout ce monde, je suis bien conscient qu'il a ses limites et qu'un idéal n'est qu'un idéal. Il ne faut donc pas avoir peur de dire ce qui ne va pas. Par contre, ce que je remarque bien souvent c'est que certaines critiques sont non seulement faciles mais en plus elles ne sont pas forcément toujours justifiées. Je remarque aussi une chose, c'est que beaucoup pensent que l'université est la poursuite de l'école secondaire. C'est une erreur de voir les choses ainsi. L'université est quelque chose de tout à fait différent.

Je me souviens ce que me racontait un professeur lorsque j'étais encore étudiant. Il disait que nous étions devenus des étudiants justement, ce qui impliquait de notre part un travail tout à fait différent par rapport à ce que nous avions pu faire par le passé. L'écolier, c'est celui qui apprend les bases (lecture, écriture, calcul...). Ensuite vient l'élève, celui dont les bases qu'il a apprises à l'école primaire doivent être élevées. Enfin, vient l'étudiant : celui qui étudie. Ce terme, en apparence familier pour tout un chacun, est généralement confondu avec un exercice plus terre à terre. En effet, lorsque par excès de langage, un étudiant prétend « étudier », il se contente bien généralement de préparer un ou plusieurs examens. L’étude ne saurait être confondue avec ce petit exercice parfois fastidieux et pour tout dire assez superficiel. L’étude, quant à elle, consiste en l’édification d’une architecture de connaissances. Elle peut être une cathédrale, un palais ou une forteresse, selon la manière dont elle est élaborée. Elle implique cependant des fondements solides pour ne pas vaciller. L’université ne forme pas de génie, c'est vrai, mais je suis tenté de répondre que si elle ne doit pas être entendue ainsi, elle peut offrir bien plus : elle offre un cadre et une méthodologie dans lesquels le génie pourra croître et s’épanouir.

Bref, si vous avez quelque chose à partager ou bien si vous avez des questions à propos de cette institution ; si vous avez quelque chose sur le cœur, une déclaration d'amour ou, au contraire, du ressentiment ; si vous avez des peurs, des doutes ou toute autre chose, soyez les bienvenus dans cet espace qui est créé pour vous !

Edité par Pang Tong le 15/05/2021 - 05:25

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Cette histoire de différence de mentalité en fonction des filiaires me paraît tout à fait pertinente, pour avoir expérimenté un peu ça durant mon cursus. Là je sors d'un licence d'Histoire de l'art et archéologie, après avoir effectué une licence en Psychologie de 2016 à 2019. Très franchement, entre la psycho (filière scientifique) et HdA (science aussi mais bien plus littéraire), j'ai ressenti une nette différence, que ce soit en terme d'entraide et simplement de convivialité, beaucoup plus flagrante en HdA. Sans vouloir stigmatiser ou quoi que ce soit, je pense que le domaine scientifique a un côté plus formel et peut-être plus "abrupte", voir froid.

"[...] Tutu chapeau pointu !
C'était le petit Gavroche qui s'en allait en guerre."

Le fils des âges farouches
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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Intéressant comme sujet en tous cas.

Citation:
C'est marrant de passer d'une filière à l'autre comme ça. Sans vouloir être indiscret, qu'est-ce qui t'as poussé à faire ça ?

Oh non aucun soucis. Eh bien quand j'ai quitté le lycée, j'avais deux centres d'intérêt : l'esprit de l'être humain et l'art. J'ai choisi de comprendre l'humain, et j'ai effectué ma licence, que je n'ai pas obtenu pour 0,4 points..Alors j'ai décidé de tenter le coup dans mon second centre d'intérêt. Et là je me retrouve 2 ans plus tard à obtenir un master dans ce domaine :)

Edité par Baggy_le_clown le 15/05/2021 - 11:51

"[...] Tutu chapeau pointu !
C'était le petit Gavroche qui s'en allait en guerre."

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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Baggy_le_clown a écrit:
Oh non aucun soucis. Eh bien quand j'ai quitté le lycée, j'avais deux centres d'intérêt : l'esprit de l'être humain et l'art. J'ai choisi de comprendre l'humain, et j'ai effectué ma licence, que je n'ai pas obtenu pour 0,4 points..Alors j'ai décidé de tenter le coup dans mon second centre d'intérêt. Et là je me retrouve 2 ans plus tard à obtenir un master dans ce domaine :)

Ok, je comprends. J'avais commencé le droit pour de mauvaises raisons (j'ai écouté du monde pour faire carrière ^^). J'ai changé pour l'histoire de l'art et la musicologie.

@ le roi burgonde

Disons qu'en musicologie, on était moins nombreux et surtout on était tous à égalité : pas de travail pour nous ^^'

C'est le principal problème des lettres : très peu de débouchés si on enlève l'enseignement secondaire. C'est pas une mauvaise chose en soi mais tout le monde n'est pas fait pour enseigner. Après, y a la poursuite du cursus avec un doc'. C'est malheureusement une solution que certains prennent en se disant qu'ils échapperont ainsi à ce problème de débouché ; ils seront juste rattrapés par la réalité un peu plus tard que les autres avec encore plus d'aigreur...

"La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n'est pas immortel" (Johann Wolfgang von Gœthe)

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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Très intéressant ce topic. Je suis actuellement étudiant en biologie dans l'optique de devenir professeur de SVT. J'ai passé ma L2 cette année, mais je la repasserai l'année prochaine après les difficultés que j'ai eu durant le distanciel.

Je vois que ça parle pas mal de concurrence ici. Mais je dois dire que de mon point de vue je ne la ressens pas vraiment la concurrence. Vu que je suis dans des études dans lesquelles il n'y a pas vraiment de concours, mais plus un diplôme à obtenir, c'est vrai qu'on ne ressens pas l'envie de certains de vouloir saboter des concurrents. J'ai rencontré des gens qui préfèrent se la jouer solo et qui n'hésite pas à prendre sans rien donner en retour. Mais je pense que des gens comme ça, ce ne sont pas forcement des gens concurrents, mais plus des personnes qui ne pensent qu'à servir leur intérêt personnel.

Pour répondre plus au sujet du topic, je vais commencer par parler de ce que j'ai beaucoup apprécié dans mes premières expériences à l'université (parce que je suis loin d'avoir terminé mes études), expliquer en quoi ça m'a apporté du positif. Puis ensuite, je donnerai les points plus négatifs que j'ai pu y rencontré pour l'instant. Là c'est mon point de vue sur l'instant présent, mais c'est susceptible d'évoluer avec le temps.

Déjà dans les points positifs, je dirais que ce que ça ça m'a permis d'apprendre à me sociabiliser par moi-même et d'aller vers les gens. J'ai jamais été seul dans ma scolarité, mais ce n'était jamais moi qui allait vers les autres. J'ai toujours été assez réservé dans le rapport que j'avais avec les autres. Mais à l'université c'était différent. Il y a beaucoup de monde et personne ne se connait, car tout le monde vient d'une région différente. Donc pour se sociabiliser c'était difficile. Je ne pouvais plus compter sur les personnes que je connaissais déjà depuis tout petit pour rencontrer de nouvelles personnes.
Et je sens que j'ai beaucoup évolué dans ce domaine grâce à l'université. J'ai appris à aller vers les autres et à avoir des affinités avec d'autres étudiants en me débrouillant par moi-même.

En ce qui concerne l'aspect plus d'étude: Ca m'a permis de me rendre compte que maintenant, apprendre simplement son cours n'était pas suffisant si on voulait bien comprendre une matière. À l'université, c'est conseillé d'approfondir en se servant de livres en lien avec la matière pour approfondir, car les profs ne sont plus autant disponibles qu'avant pour approfondir certains points. Et puis, au delà de la disponibilité des profs, je sens qu'ils nous encouragent à nous renseigner dans des livres aussi pour éveiller notre curiosité sur certaines matière, plutôt que de suivre simplement le cours comme ce qu'on pouvait faire au lycée. C'est vrai que c'est bénéfique, car c'est plus stimulant et ça nous fait plus réfléchir et nous intéresser au cours lorsque nous travaillons. Mais en plus de ça, ça nous apprend à nous débrouiller par nous-même, de ne plus être "dépendant" du professeur en quelque sorte, comme ça pouvait être le cas au lycée. Mais bon, je dis ça, mais il y a des étudiants qui s'en sortent rien qu'avec les cours du prof, sans pour autant approfondir. Ca prouve que ce n'est pas indispensable d'apprendre de cette façon. Mais les personnes qui apprennent juste le cours sans aller plus loin, sont-elles réellement passionnées, ou est-ce que ces personnes ont juste beaucoup de facilitées à comprendre ces matières?
Au final, ça nous apprend à être autonome en fait. Evidemment, tout le monde n'est pas fait pour être autonome, certains ont besoin de sentir qu'il y a un certaine socle qui les retienne, qui les encourage. Comme s'ils avaient besoin d'être plus dirigées. C'est pour ça que certaines personnes arrivent à l'université mais sont rapidement larguées. Ce n'est pas un défaut en soi de ne pas être autonome, c'est juste que cette façon d'étudier n'est pas fait pour ces personnes là qui s'épanouiront là où les étudiants en université n'arriveraient pas à s'épanouir. Personnellement, je sentais qu'être trop dépendant de ce que me demander de faire les profs au lycée m'empêchait de m'épanouir et de travailler "à ma façon", par moi-même. À l'université, c'est grâce à l'autonomie qui nous était offerte que je me suis senti plus épanoui. Mais je comprends tout à fait que d'autres personnes s'épanouissent en étant plus dirigés par les professeurs. L'encadrement trop présent des profs me dérangeait au lycée, mais pour avoir discuté avec des potes du lycée qui font d'autres études, je sais que certains ne supporteraient pas d'être trop livrés à eux-même et ont besoin d'un encadrement. Donc si des lycéens passent par là et veulent faire des études supérieures, réfléchissez, lors de votre orientation, si vous êtes plus fait pour travailler en autonomie ou avec un encadrement proposé par des professeurs.

Autre point positif: vu que certains professeurs sont aussi chercheurs, on sent qu'ils sont passionnés et qu'ils aiment transmettre leur matière.

Dans les points négatifs de l'université:

L'antithèse du dernier point positif. Certains profs, qui sont chercheurs, se retrouvent en tant que profs et on a l'impression qu'ils sont soulés de transmettre leur matière. En fait, j'ai l'impression que ces professeurs sont passionnés, mais n'aiment juste pas transmettre. En fait ils sont juste fait pour la recherche, mais le fait de devoir le transmettre à des élèves les ennuis, qu'ils perdent leur temps. Du coup ça donne lieu à des cours où le prof récite son cours comme un robot ou alors, lors de TD, essaient de terminer le cours le plus rapidement possible pour être débarrassés. Après, en tant qu'étudiant, je ne demande pas non plus au prof d'être ultra pédagogique et tout, je sais que préparer un cours demande beaucoup de temps pour un professeur et que ce n'est pas leur activité principale. Mais c'est quand même plus passionnant d'entendre un prof qui aime transmettre plutôt que de suivre un cours où on a l'impression que le prof s'ennuie et qu'il fait son cours juste parce qu'il doit le faire.
Après là je ne parle que d'une partie de certains professeurs. Tous ne sont pas comme ça. Mais c'est juste que j'en ai rencontré beaucoup plus en université qu'au lycée.

Bref, voilà ce que j'ai ressenti de mes 2 premières années à l'université en tant qu'étudiant. Mon avis est encore susceptible d'évoluer vu que j'en suis encore qu'au début de mes études.

Tu dois choisir... Judicieusement!

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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Pépère Balou a écrit:
Déjà dans les points positifs, je dirais que ce que ça ça m'a permis d'apprendre à me sociabiliser par moi-même et d'aller vers les gens. J'ai jamais été seul dans ma scolarité, mais ce n'était jamais moi qui allait vers les autres. J'ai toujours été assez réservé dans le rapport que j'avais avec les autres. Mais à l'université c'était différent. Il y a beaucoup de monde et personne ne se connait, car tout le monde vient d'une région différente. Donc pour se sociabiliser c'était difficile. Je ne pouvais plus compter sur les personnes que je connaissais déjà depuis tout petit pour rencontrer de nouvelles personnes.
Et je sens que j'ai beaucoup évolué dans ce domaine grâce à l'université. J'ai appris à aller vers les autres et à avoir des affinités avec d'autres étudiants en me débrouillant par moi-même.

C'est vrai que rien que ça c'est pas rien quand on y pense. Le fait de se retrouver avec des gens des quatre coins de la France ça nous oblige de sortir de notre zone de confort. Comme la Belgique est un petit pays et que l'université où j'étais se trouvait à 20 min en voiture de chez moi, j'ai pas ressenti ça au cours de mes études. Par contre, je le vois bien avec mes étudiants. Ils viennent des quatre coins de la Chine et là, pour le coup, tu peux observer de vraies différences. Mine de rien, c'est pas si simple. Au lycée, t'es avec des gens de ta région, ta ville, voire ton quartier ; tu arrives à l'université, tu entends des accents différents et des manières de penser ou d'agir qui sont pas tout le temps les mêmes.

Pépère Balou a écrit:
En ce qui concerne l'aspect plus d'étude: Ca m'a permis de me rendre compte que maintenant, apprendre simplement son cours n'était pas suffisant si on voulait bien comprendre une matière. À l'université, c'est conseillé d'approfondir en se servant de livres en lien avec la matière pour approfondir, car les profs ne sont plus autant disponibles qu'avant pour approfondir certains points.

Ce point là est hyper important ouais. Le truc, à l'uni', c'est qu'on trace tout le temps. Alors la première semaine ça va, la deuxième ça va toujours, la troisième ça commence à picoter et ça continue s'en jamais s'arrêter. Cette disponibilité, ou plutôt cette indisponibilité peut être frustrante pour l'étudiant mais c'est humainement presque impossible de pouvoir suivre tout le monde. Quand tu as un amphithéâtre de 100 à 300 étudiants pour un cours et que tu donnes plusieurs cours + ta recherche + tes tâches administratives = c'est juste impossible.

Pépère Balou a écrit:
ça nous apprend à nous débrouiller par nous-même,

Cherche plus, c'est ça le plus grand enseignement de l'université. Si je peux te donner un conseil, c'est de continuer dans cette voie là. Elle n'est pas facile du tout mais c'est la voie la plus riche et la plus belle que tu puisses imaginer. Si tu t'accroches dans cette direction tu ne pourras en retirer que du positif.

Balou Pépère a écrit:
L'antithèse du dernier point positif. Certains profs, qui sont chercheurs, se retrouvent en tant que profs et on a l'impression qu'ils sont soulés de transmettre leur matière. En fait, j'ai l'impression que ces professeurs sont passionnés, mais n'aiment juste pas transmettre. En fait ils sont juste fait pour la recherche, mais le fait de devoir le transmettre à des élèves les ennuis, qu'ils perdent leur temps.

C'est un vrai problème en effet. Comme je l'écrivais plus haut, l'université est composée de deux parties : l'enseignement et la recherche. Je devrais plutôt dire : la recherche et l'enseignement. Le but premier de l'université est en effet la production de savoir ; l'enseignement est là pour assurer une succession future dans cette production de savoir. Mais oui, il existe des profs qui :

- sont pas intéressés par les cours. Ils voudraient se concentrer exclusivement sur la recherche vu que c'est elle qui te fait avancer dans ta carrière et que, pour les défendre un peu, on te fout la pression pour publier et publier. Sauf que pour publier, faut faire de la recherche, consulter des ouvrages, écrire, réécrire, corriger, recorriger... et tout ça te prend un temps dingue. Les cours, comme tu le dis toi-même, peuvent prendre beaucoup de temps. Moi, par exemple, je suis tellement occupé pendant les semestres de cours que j'ai presque pas le temps pour la recherche. J'essaye de m'organiser pour préparer un maximum et me dit que j'écris pendant les vacances d'hiver ou les grandes vacances. Mais bon, c'est pas l'idéal non plus.

- sont pas doués pour donner cours. Y a des gens qui sont des bons chercheurs mais totalement nuls pour faire passer l'information. Il faut bien se dire que les cours universitaires, c'est de la vulgarisation. De la haute vulgarisation, nous sommes d'accord, mais de la vulgarisation tout de même. Ce n'est pas un exercice facile. D'ailleurs, en général, les parties que tu donnes le moins bien c'est ta spécialité. Pourquoi ? Parce que tu connais tellement le sujet que tu n'arrives plus vraiment à t'adapter à un auditoire de néophytes en la matière. J'ai constaté ça lors d'un cours d'histoire de la musique que je donnais. Lorsque j'ai abordé le chapitre des Écoles nationales (Liszt, Chopin, Grieg, Groupe des 5...) j'ai tout simplement largué mes étudiants. C'était tellement fort que j'ai pris la décision de supprimer le chapitre de la matière d'examen ; j'avais fait trop dur quoi.

- sont contents d'enseigner mais qui n'aiment pas le ou les cours qu'ils doivent donner. C'est un peu bête mais c'est une chose à prendre en compte. T'as des cours que personne ne veut donner : parce que pas chouettes (pour le prof, pour les étudiants, pour les deux), pas intéressants, trop de travail... Comme exemple, je peux parler du cours de pratique scientifique que je donne le premier semestre. Ce cours, c'est juste l'horreur : hyper technique, pas amusant, beaucoup de travail pour les étudiants et pour moi (je dois lire toutes les phases intermédiaires ainsi que le travail final que je demande aux étudiants. C'est un travail de 10 pages + trois phases intermédiaires progressive, c'est l'horreur), c'est juste un cours assommant.

Enfin, faut dire aussi que l'exercice en soi n'est pas facile et que bien souvent tu mets plusieurs années à peaufiner un cours. Les étudiants ont souvent l'impression que le cours est totalement fini quand ils le reçoivent mais en réalité, le cours peut changer beaucoup, surtout les premières années. C'est en te confrontant aux étudiants que tu remarques les faiblesses de ton cours, les points forts, les choses qu'il faut changer, développer, supprimer...

Mais je ne veux pas excuser les profs qui font ça. Ils ont tort de faire ça. C'est pas bien ni pour les étudiants ni pour les collègues. C'est juste que la pédagogie, l'enseignement c'est pas toujours facile ^^'

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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Un truc marrant qu'on ne dit pas assez je trouve c'est que les vacances des profs ne sont, bien souvent, pas des vacances. Alors, on va pas se mentir, c'est quand même bien plus relax pendant les vacances d'été par exemple que pendant les semestres de cours. Mais, parce qu'il y a un mais dans cette histoire, les vacances sont en général utilisées par le corps académique pour travailler sur les colloques et les articles qu'ils peuvent avoir en préparation.

Pour qu'un prof puisse progresser dans sa carrière, il est nécessaire pour lui de fournir un travail scientifique qui passe essentiellement par la publication d'articles scientifiques – qui ne sont pas simples à écrire, je peux vous le dire ^^

Je parle de ça car nous sommes dimanche et que je suis au bureau – comme je l'étais hier d'ailleurs – pour préparer une intervention à colloque qui se déroulera la samedi prochain.

Le colloque c'est en gros un lieu dans lequel différent intervenants vont parler de leurs travaux. On choisit un sujet bien précis qu'on décide d'exposer. L'intervention ne doit pas nécessairement être totalement finie : elle peut, le cas échéant, montrer l'état d'avancée de travaux en cours. Ce qu'il y a de bons dans les colloques, c'est qu'on y fait des rencontres (autant humaines que scientifiques), qu'on peut voyager (quand il n'y a pas d'épidémie mondiale) et qu'on se confronte à d'autres experts qui peuvent nourrir le débat et enrichir nos réflexions (parfois les contredire) sur le sujet qu'on traite. Quand il y a des sous, il est possible de publier les actes du colloque. Cela nécessite alors (en théorie) de retravailler l'article qui sera relu par un comité scientifique qui validera ou non l'article. Quand on n'a pas de sous, ce n'est pas bien grave, l'intervention pourra de toute façon être présentée à une revue scientifique pour publication. Le colloque, au minimum, aura aidé à mettre au clair certaines choses.

Je le vois bien ici pour ma future intervention. Je suis un peu dans la merde parce que je me rends compte que j'ai bien trop de matière et que je risque de m'éparpiller dans tous les sens. Autre risque, me montrer indigeste en lançant données sur données sans m'arrêter. Il faut que je réfléchisse pour peaufiner la structure de mon intervention (même si j'ai déjà une petite idée) et que je me limite au temps qui m'est alloué pour le faire, c'est-à-dire 15 minutes.

Mais je m'égare, les vacances et les week-end, c'est généralement consacré à la recherche parce qu'en semaine, on n'a pas le temps, sollicité que nous sommes par les cours et par les étudiants, il faut bien le dire.

La rédaction d'un article ça prend énormément de temps en vrai (même si ça dépend des disciplines en vrai). Tout d'abord, il y a la première phase de recherches avec la collecte des documents, la localisation, la consultation (accompagnée de notes), le traitement des données et l'écriture. Tout cela peut prendre beaucoup de temps déjà. On envoie ensuite son papier à une revue qui confie ce papier de manière anonyme à un relecteur qui va émettre un avis accompagné de modifications mineures (formulations, coquilles) et de critiques ou conseils. On reçoit le papier de retour et en général on nous demande de retravailler l'un ou l'autre point, on peut demander aussi de rajouter l'une ou l'autre sources scientifiques, ou bien de réexpliquer un passage qui n'est pas clair, adapter la mise en page et le système des notes infrapaginales aux exigences de la maison d'édition... Une fois ça fait, on soumet son article une deuxième fois et on attend l'avis du lecteur. Cela peut prendre plusieurs tours si le papier n'est pas très bien écrit ; il est rare, d'ailleurs, que le papier soit accepté du premier coup sans aucune modification. Une fois le papier accepté, le rédacteur de l'article aura encore la possibilité, une dernière fois, de voir son article juste avant la publication (dernières vérifications quoi).

C'est un processus assez long, qui peut prendre facilement plusieurs mois. C'est vraiment fastidieux mais lorsqu'on peut voir son article publié dans une revue qu'on a nous-même consulté quand on était étudiant, on est vraiment content.

Décidément, je suis parti dans tous les sens. J'espère que je reste tout de même clair ^^

Bref, bon dimanche à tous !

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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Je me pose tout de même la question : qu'est-ce que les enseignants-chercheurs ont fait pendant un an alors que les universités étaient censées être fermées ? J'imagine qu'ils faisaient quand même des cours et TD à distance, mais est-ce qu'ils avaient quand même accès à leurs laboratoires avec le matériel pour poursuivre leurs recherches et expériences ?

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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Pour les cours, tu réponds toi-même à la question : cours en distanciel. Et je peux dire tout de suite que c'est pas top ni pour les étudiants, ni pour les profs. Au départ, ça a soulagé tout le monde parce qu'on s'est dit qu'on pourrait tout de même continuer à avancer, que l'année n'tait pas foutue mais très vite on a vu les limites du système. Faut bien imaginer que les gens qui ont choisi ce métier ne l'ont pas fait our parler devant un ordinateur sans savoir si derrière quelqu'un écoute. J'ai même enregistrer des cours que j'envoyais chaque semaine aux étudiants sans vraiment avoir de retour. C'était un cours d'histoire de l'art et les étudiants étaient des nouveaux pour moi. Pas évident, je peux le dire. Et quand je dis ça, c'est parce que je pense aux étudiants évidemment. Les profs étaient et sont toujours dans une situation inconfortable parce que les étudiants le sont.

Pour les labos, je ne peux rien dire parce que c'est un monde que je connais pas. J'imagine qu'ils devaient être fermés. Pour ma part, je peux dire que je n'en ai pas besoin. Mon labo, si je puis parler ainsi, c'est la bibliothèque et les archives et je n'y avais pas accès directement même si je pouvais toujours emprunter des bouquins^^

Ce que j'ai fait, c'est profiter de ce temps pour lire pas mal d'ouvrages qui me serviront dans mes articles futurs. J'ai pris beaucoup "d'avance" niveau théorie pour lire et prendre des notes sur tout un tas de choses qui pourraient toucher ce que je veux questionner. Ensuite, j'en ai profiter pour mettre de l'ordre dans mes cours, c'est un truc que tu peux toujours faire. Enfin, j'en ai profité pour écrire deux articles et mettre en branle un troisième.

Pour les colloques, c'est simple : soit ils ont été reportés (j'ai eu ça pour deux colloques : un aura lieu cet été au lieu de l'été passé ; l'autre aura lieu en juin de l'année prochaine au lieu de juin de cette année) ; soit on décide de les maintenir mais ça se fait alors par internet (c'est le cas du colloque qu'on organise la semaine prochaine). Et je peux dire que c'est un vrai casse-tête, surtout quand on a des gens de tous les pays qui viennent ^^'

Mais bon, comme je le souligne plus haut, c'est pas exactement la même chose que les "sciences dures", donc je sais pas trop pour eux...

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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Oh, tu sais, n'ayons pas peur des mots : c'est de la grosse Scheiße, les cours à distance. Je le vois bien avec le retour qu'en font mes élèves (que j'ai en cours particuliers) et leurs parents, dans leurs lycées. C'est bien à la limite quand c'est un cours individuel à distance pour dépanner de temps en temps, mais sur du long terme, en remplacement total des cours en présentiel, ce n'est pas viable du tout. Entre les déconnexions intempestives, l'absence de retour de certains élèves et de visibilité sur ce qu'ils peuvent faire et écrire (je ne sais pas trop pour toi, mais avec moi, on écrit pas mal à la main), certains qui ne foutent plus rien car il n'y a plus de présence humaine et qu'il y a toutes sortes de distractions chez eux, et le fait que c'est nettement moins confortable et pratique pour simplement expliquer et montrer les choses (aussi bien pour l'élève que pour le prof), c'est une catastrophe.

Edité par Rudolf le 23/05/2021 - 12:56

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Re: Au fond, c'est quoi l'université ?

Haha, on est bien d'accord. Et le sentiment est largement partagé dans le monde professoral. Sauf exception, j'ai jamais entendu un prof qui était content de ça.

Comme tu dis, pour dépanner une fois, ça peut être pratique mais comme ça a été instauré, c'est horrible pour tout le monde. Et malheureusement, ceux qui paient la facture à la fin, ce sont les étudiants qu'ils en aient conscience ou non...

Et pour la prise de notes, ouais, j'suis de la vieille école, tout se fait à la main. Et pour la petite histoire, je réécrivais toutes mes notes au propre à la maison après les cours. Avec système de couleurs, signes différents, titrage spécifique, écriture "calligraphiée", marge et compagnie. C'était un travail propre. Ça me permettait de prendre la blinde de notes pendant les cours tout en ayant un document lisible pour préparer les examens ^^

Et pour tous ceux qui se diraient que j'étais un mec qui passait tellement de temps à travailler, j'aimerais dire que tout le temps que je passais à retravailler mes notes au propre, je le retrouvais en fin de semestre pendant la session d'examen. C'est bien simple, pour moi, blocus, rimait avec jeux vidéo, films et promenades. Quand un collègue à moi travaillais 10h à 12 h par jours tous les jours pendant le blocus, j'en travaillais 4 ^^'

Après, quand le blocus était terminé et que la session proprement dite commençait, là, je ne comptais pas mes heures.

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