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Des passionnés de musique ancienne?

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Re: Des passionnés de musique ancienne?

Toujours en écho au jeu A Plague Tale, suis-je le seul mec à regretter Béatrice de Rune ? Non, hein. L’avoir fait disparaître si vite est cruel. Son visage attirait la ruche des regards. Elle méritait, de la part de son bourreau, beaucoup mieux qu’un coup d’épée ; même elle, à choisir, je crois qu’elle aurait préféré l’emploi gratuit de la sexualité. Ahlalala... quel gâchis ! Bref. Petit hommage à la belle Béatrice, par l’entremise, là encore, de l’auteur-compositeur Guillaume de Machaut.

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Re: Des passionnés de musique ancienne?

Il y a un gars en face de chez moi, l'immeuble à cinquante mètres, je l'ai localisé après une patiente recherche avec mon mini télescope, qui joue du oud, le soir, derrière ses volets entrouverts. Cela rend la nuit plus mystérieuse. Vous connaissez sans doute l’instrument. Ou vous avez eu l’occasion peut-être de le découvrir à travers la vidéo-concert Mare Adriaticum postée par Mnemosyne, le 6 mai dernier, dans laquelle Jordi Savall est entouré, entre autres, du oudiste Driss El Maloumi ; ou alors, s’il vous arrive de zieuter le topic « Qu’écoutez-vous en ce moment ? », Trikounet nous fait quelquefois découvrir des saveurs d’Orient comme le Trio Joubran, trois oudistes de talent.
Né probablement en Perse en 500 après JC (mais n’hésitez pas à rectifier si mes sources sont daubées du fion), cet objet fait de bois et de cordes, qu’on a pris l’habitude de surnommer le luth arabe, a en réalité voyagé dans pas mal de contrées, Turquie, Arménie, émirats arabo-andalous, les palais impériaux d’Asie, les cours d’Italie, de France... j’en passe. Je vous propose d’abord d’écouter la belle iranienne Yasamin Shahhosseini. Sa nervosité d’exécution la fait ressembler à une fleur sauvage, une rose des sables. Des yeux vieil or lorsqu’elle rêve, marron sombre lorsqu’elle joue, parcourus de reflets verdâtres car les yeux des Iraniennes ont tendance, sans qu’on sache pourquoi, à devenir verts sous le soleil, d’un vert « oeil de chat ». Puis ce sera le vieux sage Ara Dinkjian, accompagné de Tamer Pinarbasi au kanoun (instrument également présent dans la vidéo-concert Mare Adriaticum) et de Glen Velez au tambourin.

Ce qui assure l’unité et la continuité de la musique, c’est la ligne, la dimension première à partir de laquelle se déploient toutes les autres, et, du jeu des nuances, des ornements, des brèves extensions du tempo, émergent les surfaces et les plans, jusqu’à la dimension du conte. Il s’agit de donner une pulsation cardiaque. Ara Dinkjian et ses deux complices sont des maîtres-enchanteurs à ce jeu-là : ils montent les couleurs comme on monte les oeufs en neige et les font éclater en feu d’artifice. Ils expulsent du pollen loin autour de nous. Celui-ci, selon qu’il tombe dans notre oreille ou à côté, féconde ou ne donne aucun germe. Mais nous l’avons déjà deviné avant si une musique nous parle ou pas. C’est celle qui décide de rompre avec le monde vu à travers la fenêtre d’un immeuble ou d’un écran.

Edité par Depakote le 27/05/2019 - 22:51
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Re: Des passionnés de musique ancienne?

Si vous l’aimez, la musique, si vous êtes, dès les premières mesures, roulé dans sa vague avec un consentement extasié de toutes vos zones érogènes, vous serez d’accord, je pense, pour trouver cette vidéo contre-productive. Je ne parle pas de l’interprétation. Je ne parle pas de l’arrangement d’après le recueil du compositeur élisabéthain John Dowland. Je parle du clip. Que signifient ces plans de coupe, bordel de merde ! Pourquoi nous montrer ces jardins à la française, ces statues de duc et duchesse, ces extérieurs qui font meringue, snob, péteux comme le petit doigt levé d’un buveur de thé tenant sa tasse en porcelaine de Sèvres ! Le type à la caméra (ou la nana) avait pourtant trouvé l’intérieur idéal : des lambeaux de murs, de plafonds, un sol bien dégueulasse, exactement tout ce qu’exprime cette musique, la désintégration, le dénuement, le face-à-face avec le vide. Et il débute par un plan aérien de jardin fleuri style Le Nôtre ? Mais enfin ! Depuis quand un musicien pense jardin géométriquement taillé, moulure, dorure, boiserie, quand il écrit de la musique ? Ces plans de coupe, en plus de n’avoir aucun rapport avec la choucroute, sont des barrières. Comme si cette musique était destinée à une certaine caste et n’avait été conçue qu’à son propre usage. Rien n’est pire ! À moins que la vidéo soit un message subliminal envoyé à Stéphane Bern pour qu’il vienne retaper la baraque, le réalisateur, en aérant son idée première du huis-clos, nous donne vraiment le sentiment d’une mise à l’écart. Et si les morts se levaient, hein ? Je crois que John Dowland bondirait de sa tombe pour lui casser la caméra et la figure.

Néanmoins, ne croyez pas que l’on garde de la vidéo le souvenir de cette faute (si faute il y a, peut-être c’est moi qui pars en bib) et la démarche puérile de la faire remarquer. On ne retient que la musique. On la reçoit. On l’aime pour elle-même et l’on se reconnaît infiniment petit, tout comme devait l’être Dowland devant sa partition, de la première à la dernière note, en se remettant à la miséricorde de la dispensatrice des morts. Elle est jouée ici par l’ensemble L’Achéron, sous la houlette du gambiste François Joubert-Caillet, et Sokratis Sinopoulos en guest. Le riquiqui instrument de rien du tout sur lequel joue Sinopoulos s’appelle une politiki lyra, autrement dit une lyra politique ; comme un bras d’honneur à ces jardins Legoland, à cette noblesse décorative, à toutes les personnes qui vont au concert, à l’opéra, en smoking et en vison, non pas pour écouter, mais pour être vus. Bref, voici des extraits du disque Lachrimae Lyrae - Tears of Exile, un concept mêlant impros et des pièces du Lachrimae, or Seven Teares, composé par John Dowland et publié en 1604.

EDIT : Désolé, up involontaire :-( Me suis planté sur l'orthographe du nom du joueur de lyra.

Edité par Depakote le 27/05/2019 - 23:57
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Re: Des passionnés de musique ancienne?

1707 : Händel, en voyage en Italie, a 22 ans quand il met la dernière main à son Dixit Dominus. C’est pourquoi cette fois on va aborder le truc sans blabla pesant, le cœur frais, apte à méditer chacun sur une maturité aussi précoce. Je vous propose en écoute le Gloria Patri et Filio qui clôture l’oeuvre. Il y a dans ce morceau quelque chose de l’ordre de l’athlétisme. À l’image d’une course de relais, le passage de témoin du « et Spiritui Sancto », entre chaque voix successive, est une figure rapidement circonscrite par l’oreille et attendu au tournant avec bonheur depuis son point de départ jusqu’à la ligne d’arrivée ; plus loin, vers le milieu du morceau, la fugue sur le « et in saecula saeculorum amen » ne fait qu’accentuer cette course effrénée. Pour changer un peu, voici quatre interprétations différentes. À vous de voir celle qui vous plaît le plus (ou déplaît le moins). À vous d’élire votre chapelle, votre sanctuaire de répit.

Interprétation 1

Interprétation 2

Interprétation 3

Interprétation 4

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Re: Des passionnés de musique ancienne?

La boulangère, je crois bien, est amoureuse de moi ; et c’est précisément d’elle que je ne suis pas amoureux. Moi j’aime la caissière du Super U qui ne m’a jamais accordé un sourire. Je ne l’intéresse pas. Elle préfère Sid. Je l’appelle Sid car il a les cheveux rasés sur les côtés comme le frérot de Tom Sawyer dans le dessin animé. J’sais pas son nom, en fait. Je ne le connais que de vue mais il a la même tête de con. À cause de lui, cette nuit, cauchemar : j’ai rêvé que je me débattais contre deux ratanas géants qui, pour m’échapper, devinrent en fin de compte mes deux pieds. C’était très gênant. Ils rongeaient le gazon et rien de plus difficile que d’avancer avec des pieds qui broutent. Puis, d’un coup, ils se changèrent en mille-pattes, et tout alla mieux, beaucoup mieux. Enfin, je cause, je cause, alors que j’ai à vous annoncer une grande nouvelle...

Oyez, braves gens, damoiselles, damoiseaux !
Hooper débarque sur le topic de Mnemosyne.
Tout y passe, les p’tites papattes, le p’tit museau.
Lorsqu’il s’agit de danser, le gro’zours point ne lésine.

Par contre, les zicos devaient sortir de table ce soir-là parce que ça sonne kiki mou. Plus nerveux, plus tonique, elle passe tout de même mieux cette chaconne, non ?

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Re: Des passionnés de musique ancienne?

Voici Peter Blanchette et son archguitare à onze cordes, instrument à cheval entre la guitare et le luth. L’ajout de ces cordes dans le registre des graves, offrant une plus grande étendue de jeu, élargit considérablement les possibilités du répertoire. Blanchette a ainsi adapté pas mal d’oeuvres de Bach (mais pas que), dont les suites pour violoncelle seul. Je mets en lien son site où l’on peut écouter une partie de sa discographie : Peter Blanchette Site Il le mérite. Un gars qui donne des concerts gratuits et cite Patti Smith en interview ne peut être qu’une bonne âme. À l’inverse de beaucoup, il n’a pas en lui cette rage de lutter contre des crampes qui lui vaudrait d’être un homme recouvert de légendes plus absurdes les unes que les autres. Ceux-là sont invisibles à force de fables et monstrueusement visibles de ce fait. Blanchette, lui, se montre naturel et discret. Il n’en possède pas moins sa méthode. Elle consiste à être économe de vocables, à dérouler le discours, à viser longuement sans maniérisme et à faire mouche dans la plus grande humilité. Je vous propose deux airs du folklore anglais et irlandais. Sur le premier, c’est Nell Bryden, utilisée à contre-emploi, qui prête sa voix.

Intriguant de voir ces religieuses écouter Blanchette, visages recueillis, légèrement tendus, aussi blancs que leur uniforme. Flambent-elles à l’intérieur comme un feu de joie, un feu fait de milliers de cierges et d’une semaine de soleil cognant sur le parvis de l’église de Santa Maria ? Que voient-elles ? Les lacs, les grandes landes de la campagne irlandaise ? Les prés et les bois d’Angleterre ? À quoi peuvent-elles bien songer ? À changer de vie ? Dieu seul le sait.

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Re: Des passionnés de musique ancienne?

Un grand merci Depakote.

Tu fais vivre le topic ^^

Tu écris bien, c'est tellement agréable de te lire (comment va la caissière du Super U :p ). Beaucoup de belles trouvailles que je ne connaissais pas, je t'en remercie.

Je n'ai pas le temps de poster autant que je voudrais mais j'écoute tout ce qui est posté ici et ça fait bien plaisir <3

Je propose Michel Corrette qui est limiiiiite niveau dates (oui oui c'est 18e, mais pour moi, dans les sonorités, la rythmique, c'est encore baroque: l'honneur est sauf?).

J'adore ce compositeur. Très festif.

Si vous êtes mélancolique c'est le moment d'écouter :3

Edité par Mnemosyne le 02/06/2019 - 17:06

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Re: Des passionnés de musique ancienne?

Citation:
Toujours en écho au jeu A Plague Tale, suis-je le seul mec à regretter Béatrice de Rune ? Non, hein. L’avoir fait disparaître si vite est cruel. Son visage attirait la ruche des regards. Elle méritait, de la part de son bourreau, beaucoup mieux qu’un coup d’épée ; même elle, à choisir, je crois qu’elle aurait préféré l’emploi gratuit de la sexualité

D'après la dernière partie en ligne, y a de l'espoir ^^

Citation:
à choisir, je crois qu’elle aurait préféré l’emploi gratuit de la sexualité

Non ça je crois que c'est toi :3

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Re: Des passionnés de musique ancienne?

Ah, Mnemosyne ! Cela fait plaisir de te voir ! T’inquiète, tu postes quand tu veux, on n’est pas à la tâche. Si je poste régulièrement c’est pour tenir ma promesse que ton topic intéresserait au moins une personne. Sinon je ne pourrais plus me regarder dans la glace le matin, je serais obligé de retourner le miroir. D’ailleurs, en ce moment, sourire ne va plus avec mon visage, non. Puisque tu m’en reparles, la dernière fois j’avoue à un ami : « Je crois que j’aime Béatrice de Rune. » Lui : « C’est qui Béatrice machin ? » Moi : « Ce serait trop long à t’expliquer. » Lui : « Et elle, elle t’aime au moins ? » Moi : « Elle ne peut pas, elle est morte. » Lui : « Tu devrais sortir plus souvent le soir, voir du monde. La solitude c’est un ténia qui te dévore la cervelle à la longue. » Eh ben, j’ai eu beau la retourner dans tous les sens, je n’ai pas su comment prendre sa réponse ‒ et je ne sais toujours pas. Comment traduire les intentions d’un gars qui se dit votre ami, et qui, vous sentant au plus mal, se permet néanmoins de vous comparer la solitude à un ver solitaire ? J’ai été con. Au lieu de continuer de blablater avec lui, j’aurais dû lui faire la feinte du double-appel et éteindre mon portable. Et puis sortir, sortir, facile à dire ! On ne trouve pas une femme comme Béatrice de Rune dans un bar à tapas ou une boîte de nuit ! Enfin, si tu me dis qu’il y a espoir que je la revois, Mnemosyne, je suis rassuré. Parce qu’avec la caissière du Super U j’ai perdu tout espoir. Je tente des trucs, rien ne marche. J’achète un paquet de Z’animo ‒ mes biscuits préférés ‒ je lui en propose un, elle me dit « J’ai passé l’âge de manger ça », alors que je suis plus âgé qu’elle. Je prends un paquet de bonbons menthe glaciale, je lui en offre un, elle me dit « Non merci, la menthe, j’ai horreur », alors que l’autre jour, Sid, il a fait pareil avec les mêmes bonbons, ben elle a accepté.

Il y a bien des manières d’avoir peur. La nuit, en me réveillant en sursaut, maintenant je vois des ratanas autour du lit. Ils sont assis et ont l’air faussement désœuvré de quelqu’un qui veillerait un malade. Jusque-là nous ne nous connaissions qu’à travers le jeu A Plague Tale. Les voici qui se matérialisent devant moi. Et tout ça à cause de Sid, j’en suis certain ! Que sous-entends-tu, Mnemosyne, en disant que Béatrice, à la mort, n’aurait pas préféré l’emploi gratuit de la sexualité ? Qu’elle aurait préféré l’emploi rémunéré ? Non, ce ne serait pas du tout son genre. Quoique, au point où j’en suis, il est évident que je ne comprends et ne comprendrai jamais rien aux femmes.

Merci beaucoup pour Michel Corrette.
Je l’écouterai en entier ce soir, mais le peu que j’ai entendu, tu as raison, il redonne bien le moral !
@+ Mnemosyne :-)

Edité par Depakote le 04/06/2019 - 13:19
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Re: Des passionnés de musique ancienne?

Ah, d’accord ! Je croyais que c’était une pièce d’un seul tenant mais les musiciens, en fait, ont pris plusieurs œuvres de Corrette qu’ils ont compilées sous le nom Musiques utiles aux Mélancoliques, titre emprunté à son concerto Le Mirliton, ouvrage utile aux mélancoliques. Pourtant le son de la musette fait bien le lien. Mais c’est à 17:38, quand surgit la voix de la soprano (alors que c’était instrumental jusqu’ici), que j’ai eu un doute ; doute qui s’est confirmé à 28:46 en entendant le fameux air de Rameau à partir duquel Corrette a écrit son Concerto Comique n°25 Les Sauvages et La Furstemberg. Ouais, j’ai fait des recherches parce que je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam avant que tu ne le postes, Mnemosyne, ce Corrette. Cela m’a intrigué. Du coup je me suis rendu sur la page Youtube pour voir s’il y avait des commentaires sous la vidéo. Bien sûr ils ont tous tilté sur le rondeau mais certains accusent Corrette de plagiat. Ce n’est pas du plagiat. Le rondeau de Rameau, issu des Indes Galantes, s’appelle Les Sauvages ou Danse du grand calumet de la paix. C’est donc bien une citation. Corrette rend honneur à Rameau en intitulant son CC 25 Les Sauvages. Mais bon, d’autres disent aussi que Rameau aurait piqué cet air à Lully ou à Marais. Alors là... pas eu le courage de vérifier.

En tout cas encore merci, Mnemosyne, pour la découverte (en ce qui me concerne) de Michel Corrette. Un vrai plaisir à écouter ! On sent dans sa musique que ce devait être un homme pétillant, facétieux, en marge et pas que de son temps. Comme disait Cocteau de Giraudoux : « Un élève excellent doublé du prestige mystérieux du cancre. » Je mets l’allegro de son Concerto Comique n°25, du coup, hommage à Rameau :