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Ce que tu pointes, hélas, ne date pas d’hier. Et c’est vraiment propre à la France. Au début des années 60, Johnny Hallyday, même processus. Le bonhomme ne se contentait pas de vampiriser le style musical, le look, la gestuelle ou les gimmick vocaux d'Elvis. Avec le concours du mag Salut les Copains, Europe 1 et consorts, il se décalquait carrément sur les événements de la vie de son idole. Et on s’est farci ce produit élaboré de A à Z par les médias français durant près de 60 ans ! Tout comme NTM, en somme, manufacturé par Canal+. Alors, quand on entend dire que Johnny était un rocker (celle qui l’a présenté au public français, sa marraine du show-biz, c’est Line Renaud... plus rock, tu meurs !) ou que NTM sont des rappeurs, certains y croient, d’autres en sourient.

Au delà du matraquage médiatique et de son pouvoir de persuasion, la question n’est pas tant comment nous arrivons à y croire, mais comment nous arrivons à vibrer sur du fake ? Nous ne sommes pas un peuple musicien, voilà tout. Littéraire, oui. Pictural, sans doute aussi. Mais pas musicien. Déjà nous n’avons pas dans notre caryotype, contrairement aux Ricains, les gênes du blues, du jazz, de la country, qui, une fois mélangés, ont donné le rock ; ni les gênes de la soul et du gospel, qui, une fois mélangés au jazz et au rock, ont donné le funk, puis le hip-hop, puis le rap, puis...

Pourtant, des racines musicales, nous en avons. Et de solides ! Maurice Ravel. Claude Debussy. Deux compositeurs majeurs qui ont révolutionné la musique de fond en comble. Leur influence (et pas que sur les compositeurs impressionnistes ou les jazzmen) a été déterminante dans le monde entier. Beaucoup, encore aujourd’hui, se réclament d’eux, c’est dire ! Et nous ? Ben non.

Pourquoi dit-on toujours de la pop anglo-saxonne qu’elle est supérieure à la nôtre ? Les Britanniques ont su intégrer l’héritage de leur musique (classique comme folklorique) au rock américain. Chez eux aussi la musique n’est pas seulement sacrée mais organique. Ils la ressentent, la respirent par des sens que nous n'avons pas développés. Pourtant nous sommes comme les autres. Qu'était la France durant des siècles ? Elle était composée de quoi ? Par 90 % de paysans. Qu'étaient les cow-boys ? Qu'étaient les noirs américains ? Alors ? Il n’y a qu’à regarder la gueule de nos folklores - on en revient au problème de l’héritage culturel. Pourquoi le folklore irlandais s'approche de la musique classique et le folklore provençal de « Allez viens boire un p'tit coup à la maison... » ? Seule la Bretagne, avec la musique celtique et la féerie des légendes dont elle se nourrit, semble faire exception. C’est d’ailleurs là-bas qu’on trouve les meilleurs groupes pop/rock français. Hasard ?

Et sur le plan du groove ? Ben, malgré le trou béant atavique, nous avons d'excellents musiciens. Mais ils sont contraints de se prostituer, de faire de la daube en toute conscience, car ils s'adressent à un peuple non musicien. Une anecdote : petit, j'étais en week-end chez ma tante. Dans sa pile de 45tours, y avait Cabrel, Herbert Léonard, Julie Pietri, Images, bref, que des trucs qui me faisaient chier. En désespoir de cause donc, au pif, je mets la face b de Images, car pas envie d'écouter le single. Voilà sur quoi je suis tombé (j'étais sur le cul !!!) :

Merci, GreenSnake, pour cet instru. J'sais pas pourquoi, cela me rappelle Daisy Town, le premier animé Lucky Luke, dans lequel Averell, doublé par l'excellent Pierre Tornade, est le personnage le plus attachant. Pourtant la BO, dans mes souvenirs, est plus jerk que rock-country. Bref, c'est sans doute le mec qui gueule derrière, cela donne un p'tit côté cartoon.

Si je voulais me raccrocher aux branches, qui casseraient sous le poids de ma mauvaise foi, je dirais que le dans le mot « pictural » j’incluais aussi la photo et le cinéma ; à bien y regarder, pictural/pictures, c’est la même racine. Cependant je préfère jouer franc jeu, j’ai zappé le cinéma, Kylor, tu as raison. Et même si peinture/photo/cinéma compose un trio indissociable, le cinéaste, dans sa feuille de route, à l'inverse du peintre et du photographe, doit répondre à d'autres contraintes. Le temps pour lui défile, il n'est pas figé. Et le temps au cinéma est un temps musical. Scénariste et réalisateur sont des rythmiciens. C’est pourquoi tu n'es pas HS.

Gainsbourg, que tu comptes parmi tes artistes favoris, est un bon exemple pour illustrer la façon dont le peuple français a accueilli ce que le bonhomme avait hérité du dadaïsme, du surréalisme, et surtout du jazz bebop qui faisait fureur à Paris, dans les caves enfumées de Saint-Germain, où se produisaient les pointures américaines de l’époque et le fameux touche-à-tout de génie Boris Vian, influence majeure pour le jeune Gainsbourg. Eh ben, ses premiers pas dans la chanson furent un total désaveu de la part du public, hermétique à son dandysme jazzy. De 1958 à 64, à part La Javanaise qui reçut un succès d’estime, les autres perles comme Black Trombone, Intoxicated Man, Elaeudanla Teïtéïa, Ce Mortel Ennui, Douze Belles dans la Peau – j’en passe – ont laissé les gens insensibles. Ce qui l’a conduit à faire de « l’alimentaire », selon ses propres dires : « J’ai retourné ma veste lorsque je me suis aperçu qu’elle était doublée de vison. » Cela a donné Les Sucettes, Poupée de Cire poupée de son, et autres succès qui sont loin d’être ses meilleures compos. Il faudra entendre l'album Melody Nelson pour retrouver un Gainsbourg dans sa pleine mesure, co-écrit avec Jean-Claude Vannier qui a beaucoup apporté sur ce disque. À sa sortie, le disque fera un bide. C'est bien plus tard qu'il sera reconnu comme l'un de ses meilleurs.

S’agissant de Gojira, leur son s’améliore au fil des albums. Très nettement. Ils sont produits par qui ? Attends, je vérifie... (Wiki time)... Roadrunner Records, un label US. Cela rejoint ce que déplore Atronak, les labels français ne prennent plus de risque sur les artistes comme c’était le cas dans les années 70/80. Certes, Gojira chante exclusivement en anglais, ce qui expliquerait sans doute pourquoi on ait refusé de les signer. Pourtant, Ed Banger Records (label fr), durant la période French Touch, n’a pas produit des Français qui chantaient anglais, genre Justice et compagnie ? Encore une fois, comme le dit Atronak, doit y avoir du copinage dans l’air. Et puis la dance music, ça passe mieux sur les ondes que le metal.

Tiens, Kylor, puisque j'évoquais Ravel dans le précédent post, j’sais pas si tu connais le dernier mouvement de son quatuor. C’est du metal avant l’heure. Et le machin date de 1903 !!! (shunte à 5:00, sinon tu vas te farcir 2:00 d’applause vu que c’est la fin du concert).

Ben, en fait, j'ai un peu de mal avec la double grosse caisse en mode sulfateuse sur x mesures, tellement mise en avant qu'elle te plombe le panorama, comme dans le morceau Backstone. Je trouve que leur musique s'est aérée depuis. Après il se peut que je me trompe, je suis un peu largué aujourd'hui en metal. Mais, tu vois, un morceau comme l'Enfant Sauvage, par exemple, l'intro à la double, ok, mais le rythme aéré de la batterie qui suit apporte de l'espace ; un espace vachement bénéfique.

On retrouve ses aérations chez un groupe comme Bring Me The Horizon. Après, je ne sais pas si les spécialistes considèrent ça comme du metal pur ou fusion. C'est sûr qu'on sent chez BMTH des influences punk, pop-rock, electro, qu'il n'y a pas chez Gojira. Est-ce de la merde pour autant ? J'sais pas.