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La bande dessinée Franco/Belge

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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Ainsi parlait Zarathoustra tome 1.

Ainsi parlait Zarathoustra est l’adaptation en bande-dessinée de la célèbre oeuvre éponyme du philosophe allemand Friedrich Nietzsche. Par la bouche de Zarathoustra, le philosophe nous interroge et nous bouscule sur les valeurs guidant notre société occidentale. En critiquant nos valeurs morales, politiques, philosophiques et religieuses, Nietzsche affirme que le seul moyen d’instaurer de nouvelles valeurs plus vertueuses est de transcender l’humanité et de se transformer ainsi en surhomme.

Pierre Hebert-Suffrin, professeur de philosophie ayant consacré de nombreux ouvrages à Nietzsche, dépoussière complètement l’oeuvre du philosophe allemand en la rendant abordable et accessible à un large public. Ainsi parlait Zarathoustra parait ainsi s’adresser à tous, comme le souhaitait initialement le philosophe allemand.
Les propos de Zarathoustra sont riches et libres d’interprêtation. En prônant l’immoralité (et non l’ammoralité), en cherchant à bousculer nos croyances, à nous pousser à remettre en question les principes et les valeurs que nous considérons comme immuables et acquises, l’auteur nous interroge sur la condition humaine et son but. L’inversion des valeurs en faisant table rase du passé est le seul moyen de s’affirmer et de retrouver un semblant de libre-arbitre, de transcender l’humanité et de s’émanciper dans une société sclérosée. L’influence de Nietzsche, 130 ans après, reste énorme pour la philosophie contemporaine. Mais la période nazie a malheureusement longtemps constitué un frein à cet auteur en raison de l’appropriation et le détournement de sa pensée par le régime du troisième Reich.
L’auteur a voulu la bande dessinée la plus fidèle possible à l’oeuvre originale du philosophe et utilise quasiment exclusivement le texte initial. Il y rajoute cependant quelques lignes, par l’intermédiaire d’une chouette, nous faisant quelques lumières et explications pédagogiques sur la parole de Zarathoustra. Une initiative heureuse permettant de décoder certains propos restant parfois énigmatiques et complexes.
Jean-Louis Lebrun, peintre illustrateur, accompagne de son côté le texte de manière subtile et poétique. Les dessins sont délicats, métaphoriques et puisent leurs inspirations dans le courant expressionniste. De multiples références à de nombreux artistes sont disséminées dans les pages et répertoriées à la fin de l’ouvrage.
Ainsi parlait Zarathoustra s’affirme comme une oeuvre résolument moderne encore aujourd’hui et cette bande dessinée le démontre de manière magistrale.

Et en bonus, la musique hommage de Strauss bien connue!

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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Mobutu dans l'espace de Ducoudray et Vaccaro.

En 1978, Manfred Sternschnuppe, ingénieur à l’OTRAG, centre de recherche spatial d’Allemagne de l’Ouest, est envoyé au Zaïre, ex-Congo Belge. Sa mission est de finaliser la construction d’une fusée spatiale commandée par le papa-président-maréchal Mobutu. En passant de son cabinet confortable de Munich au pays Africain dictatorial, Manfred va se retrouver confronter à une société Zaïroise en pleine mutation, tiraillée entre tradition et modernité, richesse et pauvreté.

Comme aime le souligner le scénariste Aurélien Ducoudray (Grocery, Amère Russie, Clichés de Bosnie...), son personnage principal Manfred est l’inverse de celui de Tintin au Congo. Le célèbre personnage d’Hergé débarque au Congo en étant sûr de ses valeurs et nullement surpris par le pays Africain. Mais dans Mobutu dans l’espace, l’ingénieur allemand découvre complètement un pays et des traditions qu’il ignore. Il ne maîtrise en rien la situation dans laquelle il se trouve et les ingénieurs se trouvant déjà sur place lui font clairement comprendre qu’ils se passeront de lui pour faire le job. Manfred se retrouve désoeuvré et avec la tâche difficile de gérer les contacts avec le président-dictateur Mobutu qui multiplie les visites et les invitations pour mieux surveiller l’avancée du projet. Si la critique du système dictatorial Zaïrois est évidemment palpable, les situations ne sont pas dénuées d’humour, tant le personnage de Manfred semble en décalage avec son environnement. Mobutu est représenté comme un dictateur haut en couleur mégalomane et affable mais qui reste cependant dangereux car imprévisible et calculateur. L’histoire est romancée, mais elle se base sur des faits authentiques dont l’issue, en raison de la multiplication des échecs du programme, amènera l’abandon du projet spatial zaïrois en 1980.
Les dessins de Eddy Vaccaro (dessinateur des bandes dessinées Championzé et Young, également scénarisée par Ducoudray) sont réalisés au fusain. Très expressifs et assez remarquables, ils ne sont pas sans rappeler parfois ceux du dessinateur Blutch et accompagnent à merveille l’histoire de cet anti-héros naïf plongé malgré lui dans ce pays dont il ne comprend pas les règles.
Une oeuvre originale et surprenante.


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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Lu L'arabe du futur tome 2 de Riad Sattouf.

La suite autobiographique de l'enfance de Riad Sattouf, fils d'un père Syrien et d'une mère bretonne, dans la Syrie des années 1984-85 dirigée d'une main de fer par Hafez Al-Assad. Ce tome couvre la première année de scolarité de l'auteur ainsi que la découverte de la famille de son père et de la culture Syrienne.
L'arabe du futur est à mes yeux en train de devenir une série majeure de la bande dessinée. Témoignage d'une époque et d'un pays dont les témoignages sont rares, cette oeuvre est une véritable mine de connaissance, d'anecdotes et d'humour. Riad Sattouf y exprime son enfance avec finesse en évitant le piège du pathos, et avec un talent de dialoguiste exceptionnel dont il a déjà fait preuve avec sa série La vie secrète des jeunes. Le portrait de son père et du monde qui entoure le petit Riad, tiraillés entre traditions et modernité sont saisissants et touchants. Et si les évènements relatés sont parfois très durs, Sattouf arrive toujours à y mettre un certain décalage et une distanciation grâce au ton naïf employé ainsi que grâce à un dessin simple, sans fioriture, collant parfaitement avec son ressenti d'enfant.
Marjane Satrapi et son célèbre Persépolis était la référence en matière de bande-dessinée autobiographique, il faudra compter dorénavant avec Sattouf et L'arabe du futur. A lire. Vraiment.

Edité par Romano le 15/07/2015 - 22:25
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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Un certain Cervantès de Christian Lax.

Mike Cervantès est un gars tranquille vivant dans l’Arizona. Après un accrochage avec la police, il décide de s’engager chez les GI pour échapper à la prison. Envoyé en Afghanistan, il est gravement blessé à la main gauche et fait prisonnier par les Talibans. Un début de gangrène oblige ses geoliers à l’amputer de son bras gauche. Après quatre années de captivité, il rentre enfin au pays. Déboussolé et choqué par l’expropriation de son meilleur ami, il part en croisade contre une société impitoyable envers les plus faibles et les plus démunis. Il écope ainsi d’une peine de prison après la destruction d’une succursale de banque. En découvrant dans le centre pénitencier où il est incarcéré l’oeuvre d’un certain autre Cervantès, c’est la révélation. Mike veut être le nouveau Don Quichotte, celui qui lutte contre toutes les injustices de notre société contemporaine. Entreprise vouée à l’échec?

Christian Lax, créateur entre autres de la série Les Choucas, nous livre ici un roman graphique touchant et dont la maîtrise narrative force le respect. En reprenant Miguel de Cervantès et son célèbre personnage de Don Quichotte, Lax ne se contente pas de faire une version moderne du chevalier à la triste figure. Il se réapproprie complètement l’oeuvre ainsi que l’histoire de son auteur Miguel (qui a perdu un bras dans les même circonstances d’incarcération que Mike). Le personnage de Lax va vivre intensément l’aventure, avec ce vent de liberté propre à l’amérique et ses paysages sauvages devenus légendaires à travers les films westerns de John Ford. Des paysages faits de déserts, de poussière et de soleil. Un road-trip tragi-comique, au goût doux-amer, qu’on sait voué à l’échec mais dont on ne peut que saluer la réalisation et la regarder d’un oeil attendri. Car Mike de Cervantès pourfend à sa mesure l’injustice sociale et économique, se fait le défenseur des plus faibles et des miséreux. Un chevalier des temps modernes évoluant dans un monde qu’il ne comprend plus (ou qu’il ne comprend que trop bien?) au volant de sa Ford Mustang 1971, sa Rossinante.
Le tout est sublimé par un trait en noir et blanc précis, rendant un hommage vibrant à cette amérique poétique et sauvage, avec une justesse d’expression et d’émotion forçant le respect.
Une bande dessinée faisant souffler un vent de fraîcheur romanesque comme il devrait y en avoir plus souvent. Du grand art.

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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Modeste et Pompon, l'intégrale de Franquin.

Au milieu des années 50, suite à un coup bas des éditions Dupuis concernant les droits d'auteur, Franquin décide de prendre un peu l'air et passe voir les concurrents au journal Tintin. Mais Franquin est un sentimental et ne peut se résoudre à lâcher définitivement Dupuis. Pendant 4 ans, il va donc dessiner pour le journal de Spirou et le journal de Tintin. Epuisé par le rythme qu'il s'impose (2 pages de Spirou et Fantasio par semaine, une de Modeste et Pompon et une demi de Gaston), il décide d'abandonner les éditions du Lombard après 4 ans de bons et loyaux services (la série sera reprise par divers auteurs par la suite). Reste quelques 200 gags de Modeste et Pompon, réunit ici dans cette intégrale.
Si Modeste et Pompon est l'oeuvre la plus méconnue de Franquin, elle n'en reste pas moins très bonne. Les personnages sont attachants et les gags restent de manière générale plaisants et inspirés. Mention spéciale pour le personnage de Félix, gaffeur invétéré, qui inspirera Franquin pour son célèbre Gaston Lagaffe qu'il créera dans la foulée. Modeste et Pompon est une des premières bande-dessinée franco-belge à s'attacher au quotidien de personnages. Franquin pose ainsi les jalons du héros moderne, source d'inspiration pour Boule et Bill, Cubitus ou encore Achille Talon. D'ailleurs, certains jeunes auteurs de bande dessinée encore inconnus vont livrer quelques scénarios de gags à Franquin. Parmis eux, Roba, Greg ou encore Gosciny! On sait le chemin parcouru par ces auteurs depuis...
A noter que cette superbe édition intégrale comporte de nombreux dossiers et appendices très intéressants autour de l'auteur, de son inspiration et de son aventure au journal Tintin. Un must pour tous les amoureux de cette grande époque mais aussi pour tous ceux souhaitant acquérir des connaissances autour de la bande dessinée franco-belge.

Edité par Romano le 10/09/2015 - 00:36
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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Quand Alessandro Jodorowvsky et Moebius s'associent pour créer un Space Opéra.... ça donne une des œuvres majeure du genre.



Wiki:
Dans un futur éloigné et dystopique, le détective privé John Difool reçoit l'incal lumière, une pyramide blanche aux pouvoirs extraordinaires, des mains d'un Berg (extraterrestre venu d'une autre galaxie) mourant. L'Incal est recherché par de nombreuses factions qui veulent l'utiliser pour leur intérêt propre :
les Techno-Technos (une secte de scientifiques) ;
le Préz et ses bossus (le Prez est le chef d'État-dictateur de la planète de JDF) ;
l'Impéroratriz : chef androgyne (siamois homme-femme relié par le dos) de la galaxie ;
les Bergs (voir plus haut).

En s'échappant, Difool se retrouve entraîné malgré lui dans une aventure qui le dépasse totalement et qui le transformera en sauveur de deux galaxies

Edité par Atronak le 03/08/2015 - 16:19

Le jeu vidéo est-t'il un art ?
Non, c'est l'art qui est un jeu.

Playlist spotify funk pour soirée chill:
https://open.spotify.com/playlist/43X0D7Gyzj7zVqI1S5v9ug?si=3dbd3ec35e1047af

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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Aaaah! Je commençais à me sentir un peu seul ici!

L'Incal, effectivement c'est une grosse claque. L'univers est complètement barré et ré-invente entièrement les codes de la science-fiction. D'ailleurs, faut voir à quel point l'univers a été développé: y'a Avant l'Incal, Après l'Incal, La Caste des Métas-Barons, Les Technopères...
L'association Jodorowsky-Moebius a donné lieu à des ovnis de la bande dessinée. Les styles uniques de ces deux auteurs ont donné naissance à une oeuvre détonante. Je peux cela dit comprendre qu'on puisse ne pas aimer, tant c'est particulier. Leur série La folle du Sacré-Coeur est bien barrée aussi.

D'ailleurs, ça me fait penser! Y a une exposition sur Alejandro Jodorowsky jusqu'au 31 Octobre à Bordeaux. A l'occasion, je sens que je vais aller y faire un tour moi!

Edité par Romano le 03/08/2015 - 17:51
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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Juste un petit mot pour ceux qui l'aurait loupé: Coyote, l'auteur de Litteul Kevin est mort il y'a deux jours des suites d'un problème cardiaque. Il avait 52 ans.
RIP.


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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Lu l'intégrale de Il était une fois en France de Nury et Vallée.

Il était une fois en France raconte la vie de Joseph Joanovici, un ferrailleur juif roumain, devenu l'un des hommes les plus riches de France pendant la seconde guerre mondiale grâce à ses contacts avec la Gestapo parisienne. D'un autre côté, il fut l'un des principaux financiers de la Résistance. Alors tout réside dans cette question: héros ou collabo? Qui était vraiment Joanovici?

L'histoire mêle librement des faits historiques, des suppositions et des éléments inventés. Et quelle claque! J'ai longuement hésité à lire cette série n'étant pas particulièrement fan des récits historiques et le sujet ne m'intéressant pas plus que ça. Bien mal m'en pris! Avec une incroyable justesse, les auteurs dépeignent le portrait d'un personnage les plus controversés de son temps. La référence du titre faisant ouvertement référence au fameux film de Sergio Leone Il était une fois en Amérique n'est pas fortuite: on assiste à l'ascension irrésistible d'un homme parti de rien à la tête d'un immense empire financier bien mal acquis. La force de caractère du personnage, son désir de ne servir que ses propres intérêts tout en assurant sa survie en font un des personnages les plus intéressants de la Bd, loin de tout manichéisme et empreint d'une force narrative et dramatique rare. L'oeuvre mérite ses nombreux prix, et il ne serait pas étonnant qu'elle soit un jour adaptée en film ou en série. Je suis prêt à prendre les paris ;)

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Re: La bande dessiné Franco/Belge

Lu Voix de la nuit de Lust et Beyer.

Hermann Karnau, spécialiste de l’acoustique, est responsable de la sonorisation des meetings politiques nazis à l’aube de la seconde guerre mondiale. La fascination du jeune homme pour le son l’emmènent à diriger des expérimentations scientifiques pour le III° Reich et à occuper une place de plus en plus importante au sein du système de propagande nazi dirigé par Goebbels. Hermann fait ainsi la rencontre d’Helga, l’ainée des six enfants du ministre de la propagande, qui vit dans l’adoration de son père. Une certaine affection naîtra entre les deux personnages, sous le signe d’une guerre absurde à l’issue tragique et inexorable.

Ulli Lust (Trop n’est pas assez, prix Révélation au festival d’Angoulême 2011) réussit avec cette adaptation du roman de Marcel Beyer un véritable tour de force. Le personnage d’Hermann, névrosé et obsédé par le son sous toutes ses formes, se laisse entraîner par un régime nazi jusqu’à la limite de la folie en commettant l’impardonnable sur des cobayes humains. Il est incapable de voir le monde qui l’entoure autrement que par les prismes du son qu’il tente de capter partout, rappelant ainsi le personnage de Jean-Baptiste Grenouille traquant les odeurs dans Le parfum de Süskind. Helga, quant à elle, vit dans une cage dorée et prend petit à petit pleinement conscience de la brutalité du monde extérieur ainsi que du mensonge permanent dans lequel elle est baignée. Les rencontres entre les deux personnages, fugaces, leur permettent de retrouver un soupçon de sincérité et de sérénité, redonnant ainsi du sens à leurs vies. L’atmosphère est lourde, poisseuse et les couleurs ternes marquent une tristesse et une morosité ambiante. Les visages et les corps, ronds et ciselés deviennent à mesure que le récit avance faméliques et fatigués, comme usés par le conflit. Le rythme est parfaitement géré par l’auteure qui distille peu à peu en nous une inquiétude sourde, un malaise grandissant. Car si les destins de Hermann et Helga s’effleurent sans jamais vraiment se toucher et représentent des parenthèses de paix dans un monde en proie à la guerre ne nous y trompons pas. Le final de l’oeuvre, à la fois grandiose et bouleversant est assourdissant, marqué par la folie et l’absurdité d’un système inhumain et abject.

Edité par Romano le 23/08/2015 - 20:48